perpetuel Klezmer
Denis CUNIOT, pianiste klezmer
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Les inrocks 2 mai 2007

Piano Le klezmer mis à nu, sans tambour ni clarinettes : grand disque.

Ces quinze dernières années, le klezmer a été accommodé à toutes les sauces – notamment sous l’impulsion de la bouillonnante scène new-yorkaise, qui l’a jetée dans les marmites du jazz, du rock ou des musiques nouvelles. Il a fait bon se repaître de ces audacieux mélanges ; aucun, pourtant, n’aura été aussi savoureux que le festin nu auquel nous convie aujourd’hui Denis Cuniot. Cet homme porte les musiques juives d’Europe de l’Est dans son coeur et les pétrit sous ses doigts depuis un quart de siècle. Il en connaît les vibrations secrètes, et peut donc les célébrer sans tambour ni clarinettes : son piano vivant et inventif en restitue l’essence même. Qu’il chante avec ferveur, danse avec grâce ou sanglote avec noblesse, le klezmer a toujours fait oeuvre de mémorialiste. Avec lui, chaque mélodie est un récit, et chacun de ces récits livre un regard sur le monde d’une bouleversante acuité. A travers une dizaine de thèmes traditionnels, Cuniot se réapproprie cet art de la narration avec une éloquence qui doit autant à la liberté d’expression du jazz qu’à la rigueur de phrasé du classique. Il le prolonge aussi avec deux pièces originales, dont la beauté névralgique porte l’empreinte indélébile de toutes les angoisses et atrocités de l’Occupation. Ce qu’on entend au final dans ce disque n’est pas commun : c’est la parole d’un homme seul qui, dans le fragile creuset de son souffle, parvient à capter et à accorder les innombrables rumeurs d’une très riche histoire collective.

Richard Robert