Lorsque l’on sait que le pianiste-compositeur Denis Cuniot signa la musique d’ « en remontant la rue Vilin » le film de Robert Bober ; lorsqu’on se souvient qu’il adapta pour la scène « Rendez vous au métro Saint Paul », un recueil de nouvelles de Cyrille Fleischman, nous comprenons mieux la chamade que bat notre cœur en écoutant « Confidentiel Klezmer ». Ces deux chemins qu’il emprunta compose principalement un hymne à la mélancolie. Il s’agissait d’un coté de capturer, avant démolition, les images d’un Paris que connut Georges Perec et, de l’autre, de rendre visibles les bruissements d’un quartier de tradition ashkénaze.
Sur le website de Denis Cuniot, Robert Bober commente une photographie datant de 1912. Elle montre un orchestre Klezmer polonais : trois violons, une flûte, une trompette, une clarinette, une contrebasse. Tout l’art, toute la tendresse de Denis Cuniot consiste à célébrer le répertoire klezmer en solo et au piano, un instrument incongru chez les klezmorim. Voici presque 25 ans qu’avec ferveur et obstination, le compagnon de route de Pablo Cueco, rassemble toute son énergie pour passer le message des musiques juives d’Europe centrale et orientale.
En duo avec Nano Peylet ou, plus tard avec Yomguih, clarinettistes exceptionnels,
« Confidentiel Klezmer » chuchote ainsi le souvenir des mélodistes qui refusaient de distinguer entre sourire et sanglot : Mark Warshawsky, Abraham Ellstein, Dave Tarras, Solomon Shmulowitz, Elyokum Zunser. Si bien qu’en écoutant ce magnifique hommage, je suis redevenu contemporain de mon enfance. Elle se déroula trop vite dans Belleville que décrivent les livres d’Henri Raczymow, un Belleville défiguré à la fin des années 60 par les boules de fonte, et dans cette rue du Pressoir, un repaire de voyous selon le regretté Clément Lipidis, aux immeubles superbement écaillés dont les fenêtres souvent ouvertes (comme les portes) libéraient cette musique aux mille accents que Denis Cuniot honore et qui me fait un cœur éternellement yiddisch.
Guy Darol
Jazz Magazine - Mai 2007